Le nouveau cadre met en évidence le désaccord sur la manière de comptabiliser l’énergie nucléaire
Les nouvelles règles de l’UE définissant l’hydrogène “vert” ont accentué un désaccord de longue date entre la France et l’Allemagne sur la manière de traiter l’énergie nucléaire, alors que l’Europe s’efforce de réduire ses émissions de carbone et d’abandonner les combustibles fossiles.
Lundi, la Commission européenne a établi un cadre définissant l’hydrogène “vert”. Cette décision a ravivé un désaccord de longue date entre la France et l’Allemagne sur la manière de traiter l’énergie nucléaire, alors que l’Europe cherche à réduire les émissions de carbone et à s’éloigner des combustibles fossiles. En vertu de ce cadre, l’hydrogène produit à partir de réseaux électriques à forte proportion d’énergie nucléaire peut être considéré comme vert, à condition que le producteur achète un contrat à long terme pour une énergie renouvelable équivalente à sa consommation. Les règles visent à garantir que l’hydrogène n’est pas produit à partir de combustibles fossiles polluants et à encourager les investissements dans les énergies renouvelables.
La décision est considérée comme une victoire pour la France, qui a plaidé en faveur de l’inclusion des carburants “à faible teneur en carbone” dans plusieurs lois européennes sur l’énergie afin de permettre à son industrie nucléaire d’être compétitive sur le marché européen.
Si les nouvelles règles de l’UE apportent une certaine clarté sur la définition de l’hydrogène “vert” et ses exigences de production, la question de savoir comment l’énergie nucléaire française sera traitée dans les futures réglementations reste en suspens. La France a plaidé pour que les carburants “à faible teneur en carbone” soient inclus dans la législation européenne sur l’énergie, ce qui profiterait à son industrie nucléaire nationale. Les négociations sont toujours en cours à Bruxelles, et les responsables français ont exprimé leur inquiétude quant au fait que le projet de pipeline d’hydrogène H2Med, qui va de l’Espagne à l’Allemagne en passant par la France, pourrait être mis en péril si l’énergie nucléaire n’est pas reconnue comme une source d’énergie “verte” pour la production d’hydrogène.
Un responsable du ministère français de l’énergie a déclaré :
“Cette [décision d’aujourd’hui] est particulièrement importante pour la France […]. Elle reconnaît le caractère non carboné du mix électrique français dans le calcul des objectifs en matière d’hydrogène renouvelable. [C’est une victoire pour la ministre française de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher.”
L’énergie nucléaire assure les trois quarts de la production d’électricité en France grâce à un parc de réacteurs construits depuis les années 1950.
Le gouvernement allemand, dirigé par le ministre des Verts Robert Habeck au ministère de l’économie, a adopté une position ferme sur l’énergie nucléaire.
Le ministère allemand de l’économie, dirigé par le ministre du parti des Verts Robert Habeck, maintient une position ferme sur l’énergie nucléaire, déclarant:
“L’énergie nucléaire n’est pas une énergie renouvelable et l’hydrogène produit à partir de l’énergie nucléaire n’est pas de l’hydrogène vert”.
Cette position est bien connue de tous et c’est celle que nous adopterons dans les discussions”, selon un porte-parole.
Selon la nouvelle réglementation de Bruxelles, les fabricants d’hydrogène des régions dont l’intensité des émissions de carbone provenant de la production d’électricité est inférieure à 18 g d’équivalent CO₂ par mégajoule (18 gCO₂eq/MJ) peuvent utiliser l’électricité du réseau et équilibrer leur consommation par un contrat d’achat d’électricité renouvelable. Selon un fonctionnaire de l’UE, les seules régions qui répondent actuellement à ces critères sont la France et le nord de la Suède.
La Suède produit environ 45 % de son énergie à partir de l’hydroélectricité et 40 % à partir du nucléaire.
“C’est une énorme victoire pour la France et, dans une moindre mesure, pour la Suède”, a déclaré un diplomate européen. “Les préoccupations de l’Allemagne n’ont pas été prises en compte”.
“C’est quelque chose qui est discuté sur plusieurs dossiers et qui nécessite une solution…. Il s’agit d’une question de certains pays qui veulent un ‘faible taux de carbone’ partout et d’autres qui n’en veulent pas du tout”, a déclaré un autre diplomate.
Les militants écologistes ont mis en garde contre le fait que les nouvelles réglementations pourraient conduire à la combustion de davantage de combustibles fossiles. En effet, les électrolyseurs qui produisent de l’hydrogène peuvent consommer de l’énergie nucléaire ou renouvelable qui aurait autrement été utilisée par les consommateurs. Par conséquent, des générateurs de combustibles fossiles seront nécessaires pour répondre à la demande supplémentaire.
Marta Lovisolo, conseillère politique sur les systèmes d’énergie renouvelable à l’ONG climatique Bellona, a déclaré :
“Sur le papier, vous produisez de l’électricité nucléaire, mais dans la pratique, vous ne faites que déplacer votre électricité d’un secteur à un autre, et ensuite le secteur qui n’en a pas assez fera appel à davantage de gaz.”
Des désaccords existent depuis plus d’un an sur la manière de comptabiliser la consommation des électrolyseurs d’hydrogène, ce qui a entraîné un retard dans la définition de l’hydrogène renouvelable.
Les producteurs d’hydrogène européens ont exhorté la Commission à clarifier les règles, craignant que l’absence de définition claire de l’hydrogène “vert” n’entraîne un exode industriel vers les États-Unis. Cette inquiétude survient alors que les États-Unis ont annoncé des subventions de 370 milliards de dollars pour les énergies propres dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation.
La Commission européenne s’est fixé pour objectif que l’UE produise 10 millions de tonnes d’hydrogène sur son territoire d’ici 2030, ce qui nécessiterait une quantité d’électricité égale à 14 % de la consommation annuelle actuelle de l’Union.