À Marcoule, berceau du programme nucléaire français, l’expertise atomique est réutilisée pour un aspect crucial de la transition énergétique du pays : le recyclage des matières premières provenant des vieilles batteries de voitures électriques, des panneaux solaires et des éoliennes.
Une entreprise européenne
L’Union européenne intensifie ses efforts pour accroître sa capacité de recyclage dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réduire la dépendance à l’égard de l’Asie pour les métaux essentiels comme le lithium, le nickel et l’argent. La Chine est actuellement en tête du secteur avec ses vastes réserves de matières premières et ses installations de recyclage, notamment celles des batteries de voitures. Pour des pays comme la France, dépourvus de ressources minières et dépendants des importations, la réutilisation de composants anciens constitue une opportunité de combler cet écart.
Le rôle du CEA
Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) s’appuie sur son centre de recherche de Marcoule pour innover en matière de méthodes de recyclage des composants de technologies propres. Marcoule, berceau sensible des programmes nucléaires et énergétiques français, dont les images sont masquées sur Google Maps, a récemment ouvert ses portes aux journalistes pour une visite rare présentant ses initiatives de recyclage.
Des déchets nucléaires au recyclage des batteries
Richard Laucournet, responsable du département nouveaux matériaux au centre CEA, explique :
«Nous réfléchissons à la manière de stocker, transformer et transporter l’électricité, et à rendre efficace la transition énergétique.»
Les scientifiques de Marcoule appliquent leur expertise en matière de recyclage des déchets nucléaires pour récupérer et valoriser industriellement ces matériaux.
«Grâce aux outils de simulation développés ici, nous pouvons retraiter les terres rares des aimants», ajoute Laucournet.
Techniques innovantes
Dans l’un des laboratoires, un processus a été développé dans lequel les scientifiques utilisent des bras robotisés pour découper des barres de combustible irradiées, dissoudre les métaux dans des solutions acides chaudes, puis les extraire à nouveau avec des solvants organiques et des décanteurs. Cette méthode permet de récupérer le lithium, le nickel, le cobalt et le graphite de la «masse noire» résultant des cellules de batterie électrique broyées.
Répondre à la pénurie mondiale
Laucournet a souligné l’absence d’une «véritable filière de recyclage des aimants» au niveau mondial, hormis pour la ferraille en Asie. Les techniques développées à Marcoule sont non seulement indispensables au recyclage des matériaux issus des futurs réacteurs nucléaires de quatrième génération, mais sont également applicables aux terres rares issues des aimants.
Élargir l’horizon
Outre les batteries, le CEA a développé un procédé utilisant le dioxyde de carbone pour démonter et dilater les cellules des panneaux solaires, facilitant ainsi l’extraction du silicium et de l’argent. Pour les pales d’éoliennes, une technique «d’eau supercritique», perfectionnée depuis deux décennies, est utilisée pour démanteler les chaînes polymères des composites de fibre de verre ou de carbone.
Matériaux rares issus des déchets nucléaires
Le CEA explore également l’extraction de matières rares critiques à partir de déchets radioactifs qui, selon Philippe Prene, responsable économie circulaire des énergies bas carbone au CEA, «contiennent des métaux très rares et très coûteux, générés par la réaction nucléaire elle-même», dont le palladium, le rhodium ou le ruthénium.
“Nous avons lancé des études pour les extraire et cela fonctionne”,
a confirmé Prene, soulignant le potentiel des matériaux recyclés pour répondre jusqu’à 35 % des besoins de production de batteries en Europe.
Un avenir durable
Même si les initiatives de recyclage sont prometteuses, Prene a averti qu’elles ne rendraient pas la France et l’Europe totalement autonomes. Néanmoins, les méthodologies de recyclage innovantes issues du lien entre les sciences nucléaires et du recyclage marquent un pas important vers un avenir durable, en réduisant les déchets et la dépendance aux importations pour les ressources critiques.