L’écho des propos du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau lors d’un récent grand rassemblement agro-industriel résonne haut et fort.
«Il faut admettre qu’il faut travailler sur l’entrée de gamme du marché», a déclaré Fesneau.
Face à l’impact négatif de l’inflation sur la demande de viande biologique, la France fait pression pour accroître la production de viande d’élevage conventionnel, plus abordable. La position du ministre est claire:
«Les questions de bien-être animal ne fonctionnent que si nous trouvons quelqu’un pour payer une viande de première qualité.»
La France, nation avec une riche histoire dans le monde culinaire, est en train de réévaluer ses stratégies de production alimentaire. L’administration Macron, qui avait précédemment plaidé en faveur d’une transition vers une viande de meilleure qualité et produite de manière éthique, semble réévaluer cette position. Il s’agit d’un changement significatif par rapport aux sentiments antérieurs de Macron, dans lesquels il soulignait la nécessité de mettre fin aux méthodes de production qui ne sont pas en phase avec les goûts et les besoins contemporains.
L’immense industrie agricole française, particulièrement concentrée dans les terres fertiles de Bretagne, a été scrutée pour son empreinte environnementale et ses normes de bien-être animal. Les nitrates provenant des engrais et des déchets, sous-produits de l’agriculture intensive, ont été impliqués dans les préoccupations écologiques de la région.
Le bras de fer économique
Les réalités économiques contrastent fortement avec les nobles ambitions d’une viande biologique et éthique. Un taux d’inflation alimentaire de 11% pousse les consommateurs vers des options plus économiques, entraînant une augmentation de la demande de viande à bas prix. Selon Pascale Hebel de C-Ways, seuls «30% des Français ont désormais les moyens de payer plus cher pour la qualité», soit une baisse significative par rapport aux 50% d’il y a six ans.
Les principaux groupes d’agriculteurs intensifs français perçoivent un changement de vent, un sentiment renforcé par l’appétit inébranlable de la nation pour la viande. Un Français moyen consomme environ 113 kg de viande par an, soit près du double de la moyenne mondiale. Dans ce contexte, Gilles Huttepain, cadre supérieur du géant de la volaille LDC et figure éminente du groupe industriel Anvol, proclame:
«Notre objectif est la reconquête de la production standard».
Les importations internationales fournissent aujourd’hui la moitié du poulet consommé en France. L’exécutif souligne l’impératif de construire «400 nouveaux poulaillers standards [intensifs] par an pour reprendre le marché des importations».
Le dilemme de la qualité par rapport au coût
La prédominance des options de viande économiques contraste fortement avec l’abandon antérieur des œufs d’élevage intensif dans le pays. Yves-Marie Beaudet, chef du groupe de l’industrie des œufs CNPO, révèle les regrets de nombreux acteurs de son secteur face à ce changement alors que les ventes d’œufs rentables montent en flèche. Huttepain, faisant écho à ce sentiment, a mis en garde contre une montée en gamme trop importante, faisant référence au secteur agricole ultra-premium de la Suisse comme à un avertissement.
Les éleveurs de porcs français, dont une majorité pratique un élevage intensif, se sentent justifiés dans leur résistance à la transition vers le bio. Anne Richard du groupe de pression Inaporc remarque:
«Peut-être que notre résistance à l’époque n’était pas si ridicule. Les gens qui ont investi dans le bio se retrouvent désormais coincés».
Cependant, ces tendances économiques et industrielles se heurtent à l’opposition de personnalités comme le producteur laitier Mathieu Courgeau qui déplore:
«Nous remontons le temps».
Il exprime sa profonde inquiétude quant au fait que l’orientation vers le rapport coût-efficacité, qui rappelle les stratégies utilisées depuis les années 1960, ne tient pas compte des «coûts sociaux et environnementaux cachés» et s’oppose aux problèmes écologiques et éthiques urgents d’aujourd’hui. Il met en évidence une dialectique complexe entre pragmatisme économique et aspirations éthiques et qualitatives. La voie que la France choisit de suivre face à ces pressions concurrentes reste à voir.