Le taux de syndicalisation en France est en baisse depuis les années 1980. Il est désormais parmi les plus bas d’Europe occidentale. Toutefois, les syndicats peuvent encore mener de grandes grèves et manifestations, comme l’ont montré les récentes manifestations contre la réforme des retraites. Pourquoi ce «paradoxe français» existe-t-il ?
Au plus fort des manifestations de 2023, les syndicats ont rassemblé plus d’un million de personnes. Même s’ils n’ont pas complètement stoppé l’activité du pays, ils ont néanmoins provoqué des perturbations dans les transports, l’électricité et la livraison de carburant. Le taux de syndicalisation en France s’élève à environ 8 pour cent dans l’ensemble et à 5 pour cent dans le secteur privé. C’est assez faible par rapport à des pays comme l’Italie (34 %), le Royaume-Uni (23 %), l’Allemagne (17 %) et l’Islande (91 %).
Négocier pour tous
Ce phénomène, dans lequel les syndicats français ont plus d’influence que ne le suggèrent leurs chiffres, est souvent qualifié de «paradoxe français». L’une des principales raisons est le système de négociation collective de la France, qui couvre 98 % des travailleurs. Par conséquent, les accords que les syndicats concluent avec les employeurs s’appliquent à presque tous les travailleurs, membres ou non.
Marie Ménard, chercheuse syndicale, déclare :
“En France, le poids des syndicats ne dépend pas du nombre d’adhérents qu’ils comptent mais de leur réussite aux élections professionnelles.”
Ces élections ont lieu tous les quatre ans et tout travailleur peut voter. Un syndicat doit obtenir plus de 10 % des voix pour représenter les travailleurs à différents niveaux.
Grèves de financement
En France, les syndicats reçoivent des fonds publics. Historiquement, il y avait des affiliations politiques ; par exemple, la CGT était proche du Parti communiste. Mais désormais, ils sont politiquement indépendants. La CGT a joué un rôle important dans la formation du syndicalisme français. En 1906, ils décident de se séparer des partis politiques et choisissent la grève comme principale méthode de contestation contre les employeurs.
Face à la hausse du coût de la vie, les syndicats soutiennent la grève en couvrant les salaires perdus. Gabriel Rosenham, sociologue, a évoqué les différentes manières dont les syndicats gèrent leurs fonds. Certains utilisent les cotisations des membres, tandis que d’autres comptent sur les collectes lors des grèves. Il existe également des initiatives visant à indemniser les grévistes dès le premier jour de grève. Des fonds proviennent également de campagnes en ligne et de ventes de marchandises.
Réforme des retraites : une bataille perdue
Les syndicats n’ont pas pu empêcher la réforme des retraites, qui a été adoptée le 15 avril. Ménard observe que si les syndicats sont dominants dans des secteurs comme l’énergie et les transports, ils sont plus faibles dans les nouvelles formes d’emploi. La croissance du travail à distance a également atténué les effets des grèves dans les transports. Malgré leur influence, ils n’ont pas pu empêcher la réforme des retraites.
La force dans l’unité
Les syndicats français ont perdu le soutien du public au fil des années en raison de divisions entre eux. En s’unissant contre la réforme des retraites, ils ont regagné une certaine confiance. Les syndicats ont réussi à rassembler de nombreux manifestants, en partie parce que l’opposition politique était inefficace.
Lors du rassemblement annuel du 1er mai, les syndicats ont fait preuve d’unité. Cependant, il existe encore des différences dans leur fonctionnement. Ils pourraient coopérer sur d’autres questions, comme l’inflation ou le pouvoir d’achat.
Croissance récente
La CGT et la CFDT ont accueilli environ 10 000 nouveaux membres depuis les manifestations. Mais pour réellement déplacer leur influence, ils auraient besoin de beaucoup plus de membres. Le président Macron s’est méfié des syndicats et s’est souvent abstenu de négocier. Mais aujourd’hui, après l’impasse sur la réforme des retraites, le gouvernement a invité les syndicats à des négociations. Tous les syndicats, y compris la CGT, ont accepté, mais exigent le retrait de la réforme des retraites.
La lutte pour de meilleurs salaires, de meilleurs horaires de travail, de meilleures conditions de travail, l’égalité des sexes et la protection de l’environnement se poursuit.