Dans le domaine de la formation professionnelle et technique (CTE), la Suisse est souvent présentée comme un modèle mondial. Avec plus de 60% des étudiants suisses optant pour des filières d’enseignement et de formation professionnels (EFP) avant l’âge de 15 ou 16 ans, le pays dispose d’un système qui non seulement prépare les étudiants à un emploi réussi, mais ouvre également la voie à des opportunités d’enseignement supérieur.
Les éducateurs et les décideurs politiques regardent le modèle suisse avec admiration, dans l’espoir d’en tirer des enseignements. Pour en savoir plus sur le fonctionnement et l’attrait du système de formation professionnelle suisse, écoutez Jérôme Hügli, responsable adjoint des programmes de formation internationale au SEFRI.
Quel point les entreprises et les employeurs jouent un rôle central dans le système de formation professionnelle suisse, pouvez-vous nous expliquer à quoi cela ressemble? Comment les partenaires industriels façonnent-ils le système d’EFP? Comment cela a-t-il évolué au fil du temps?
En Suisse, on dit souvent que le secteur privé, y compris les entreprises et leurs associations sectorielles, est aux commandes du véhicule que nous appelons “le système suisse de formation professionnelle”. Il s’agit d’un véritable partenariat public-privé, dans lequel l’État supervise les politiques nationales et les qualifications. Toutefois, le secteur privé est responsable de la définition et de la mise à jour des programmes d’enseignement et de formation professionnels et de la fourniture d’une formation pratique via l’apprentissage.
Ces apprentissages sont essentiels, les apprenants passant la plupart de leur temps en entreprise, guidés par des professionnels chevronnés. La nature volontaire de la participation des entreprises souligne leur engagement à former une future main-d’œuvre qualifiée pour leur propre prospérité à long terme.
À un niveau intermédiaire, les groupes industriels et les associations professionnelles jouent un rôle central en révisant régulièrement les programmes, en concevant des examens et en fournissant des experts. Cette forte implication du secteur privé est ancrée dans l’histoire mais a également été renforcée par des politiques délibérées et à long terme. La copropriété entre l’État et les entités privées repose sur la reconnaissance mutuelle qu’un système d’EFP solide est bénéfique pour les deux parties et nécessite un apport de ressources important de part et d’autre.
Que pensent les étudiants et leurs familles de ce que les parcours d’EFP ont à offrir à leur avenir?
Le système de formation professionnelle est très apprécié en Suisse, principalement parce qu’il offre d’excellentes perspectives en termes d’emploi, de salaire et d’évolution de carrière, en particulier pour ceux qui poursuivent leurs études dans l’enseignement supérieur. La possibilité de passer de l’apprentissage à des qualifications professionnelles supérieures ou à des universités contribue grandement à son attrait. Nous avons consciemment amélioré la perméabilité entre les différents secteurs éducatifs au fil des ans.
Même si toutes les principales parties prenantes valorisent le système d’EFP, nous devons continuellement lutter contre les tendances sociétales qui favorisent l’enseignement général et académique. Les efforts continus visant à promouvoir les avantages et la pertinence de l’EFP ont porté leurs fruits, maintenant un intérêt stable parmi les deux tiers des élèves du secondaire pour le choix d’un apprentissage après la scolarité obligatoire.
Quelles sont les mesures mises en œuvre par la Suisse pour garantir que les enseignants de l’EFP maintiennent leurs compétences à jour? Comment retenir ces éducateurs compétents?
Nous maintenons une approche simple mais efficace: la majorité de nos enseignants et instructeurs d’EFP sont à temps partiel, activement engagés dans leurs secteurs respectifs. Ils passent une partie de la semaine à enseigner et le reste à travailler dans leur domaine, en veillant à apporter leur expérience actuelle et réelle en classe.
Pour de nombreux professionnels, la transition vers l’enseignement à temps partiel constitue une progression de carrière naturelle, offrant un enrichissement professionnel et la possibilité d’avoir un impact positif sur la prochaine génération. Bien entendu, des salaires compétitifs sont importants, tout comme l’investissement initial minimal requis pour devenir enseignant de l’EFP. Les qualifications pédagogiques nécessaires peuvent être obtenues parallèlement à des tâches d’enseignement sur cinq ans, impliquant environ 300 heures de formation continue.
Peu plus de la manière dont la Suisse maintient son système de formation professionnelle innovant et maintient cette excellence au fil du temps.
La force motrice de l’innovation et de l’excellence dans notre système d’EFP est la forte implication du secteur privé. Les entreprises et les organisations commerciales investissent dans le système en rémunérant des apprentis, des instructeurs et des experts, ayant ainsi un intérêt direct dans le maintien d’une formation pertinente et de haute qualité.
La mise à jour continue des programmes et les modalités de formation flexibles garantissent que le système s’adapte au marché du travail en constante évolution. Au niveau national, le gouvernement suisse gère depuis plus de deux décennies un fonds de projets et d’innovation pour le système de formation professionnelle, encourageant de nouvelles idées et des essais sur le terrain.
Pour nous, soutenir l’innovation et l’excellence implique moins des mesures politiques individuelles que la création de processus efficaces incluant les principales parties prenantes, dans le but d’une amélioration continue.
Où voyez-vous les plus grandes opportunités parmi ces défis?
Suivre les changements rapides du monde du travail, tels que le passage à une économie verte et à la numérisation, constitue un défi important pour notre système d’EFP. Cependant, le lien étroit avec le secteur privé constitue notre plus grande opportunité, en garantissant la réactivité aux besoins du marché du travail grâce à des boucles de rétroaction intégrées à différents niveaux.
Pourtant, la coordination entre toutes les parties prenantes prend du temps. Par conséquent, rationaliser ces processus pour les rendre plus rapides et plus efficaces reste un défi majeur, à mesure que le rythme des changements technologiques, sociétaux et structurels s’accélère.